Par Bertrand Lavaine (RFI)
4 novembre 2009
Sélectionnée pour la finale du Prix Découvertes RFI 2009, qui se tiendra le 25 novembre à Lomé, au Togo, la chanteuse camerounaise Kareyce Fotso débute une carrière personnelle prometteuse après avoir fait ses classes en effectuant de nombreuses tournées au sein du groupe Korongo Jam. Portrait.
Sa voix respire la quiétude. Dès que Kareyce se met à parler, une bulle de calme emplit soudain l’espace tout autour, tel un décor naturel conçu sur mesure pour la jeune chanteuse.
Début octobre, lors des 6e Jeux de la Francophonie organisés à Beyrouth, son univers feutré a séduit le jury du concours "chanson", qui lui a attribué la médaille d’argent après sa prestation sur la scène du casino. Moment fort en émotion. Pendant l’attente des résultats, anxieuse, elle est allée s’enfermer dans sa loge. "Les gens venaient toquer à ma porte, mais je ne sortais pas. Lorsque le palmarès a été connu, ma première réaction a été d’éclater en sanglots. Et à l’instant, j’avais envie de me retrouver dans mon pays, de partager ma joie avec ma famille, mes amis, ceux qui ont cru en moi pour leur dire qu’ils n’avaient pas misé sur le mauvais cheval."
Heureuse d’avoir été récompensée, Kareyce a pourtant failli ne pas faire le voyage au Liban avec le reste de la délégation camerounaise. Pour être retenu, il fallait d’abord prendre part à une compétition à l’échelle nationale sous l’égide du ministère de la Culture fin 2008. Cette étape liminaire ne suscitait guère l’enthousiasme de la jeune femme, plutôt sceptique. C’est d’ailleurs un ami sculpteur qui décide de l’inscrire et doit longuement insister pour qu’elle ne fasse pas faux bond le matin même de la sélection.
La chanteuse finit par se laisser convaincre et arrive sur place avec un retard qui lui vaut inévitablement d’être houspillée par le jury. A la différence des autres candidats, elle est venue seule, avec sa guitare. "Au départ, ce n’était pas un choix. Je n’avais pas voulu appeler mes musiciens parce que je me sentais un peu bousculée, obligée d’être présente. Mais ce jour-là, j’ai eu une standing ovation et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à croire que je n’avais peut-être pas besoin d’être accompagnée sur scène", se souvient-elle. Un vrai déclic. L’idée de se produire en solo devient plus évidente à la suite des sélections nationales.
La découverte de soi
Quelques semaines plus tard, elle répond à l’appel à projet lancé par Culturesfrance pour le programme Visas pour la création. Son dossier est accepté. Une résidence de trois mois débute en mai 2009 à Bourges, en France. Kareyce y retrouve François Kokelaere dans le rôle de directeur artistique. "Il m’a permis de me regarder dans la glace et de me voir telle que je suis. J’ai enlevé le côté caricatural. Au-delà de la musique, j’avais l’impression de me découvrir moi-même."
Sa rencontre avec le talentueux percussionniste français, fondateur entre autres de l’ensemble des Percussions de Guinée, remonte à l’époque où il avait apporté ses conseils au groupe Korongo Jam d’Erik Aliana. Recrutée comme choriste et danseuse au sein de cette formation où elle est restée près de six ans, la jeune femme avait été repérée alors qu’elle était encore étudiante à l’université Yaoundé 1.
Inscrite d’abord en biochimie – "le pire moment de ma vie : je me suis ennuyée comme jamais ! ", s’amuse-t-elle à dire aujourd’hui –, elle change rapidement d’orientation pour démarrer un BTS audiovisuel. Son père, sculpteur de profession, est trop conscient de la précarité dans laquelle vivent le plus souvent les artistes pour souhaiter que ses enfants s’engagent sur cette voie. Le frère de Kareyce en fait les frais, envoyé en internat pour l’éloigner de la musique. Mais il parvient à convaincre ses parents de laisser sa sœur aller au bout de ses rêves.
De multiples influences
Un contrat est passé : tant qu’elle rapportera de bonnes notes, elle pourra continuer. A l’école, dès l’enfance, elle s’est mise à chanter ses cours ou détourner les génériques des dessins animés, pour le plus grand plaisir de ses camarades de classe, prêts à se cotiser afin de l’entendre lorsqu’elle voulait se faire désirer.
Marquée par les berceuses fredonnées par sa mère, pleureuse bamileke, elle revendique aussi l’influence d’Anne-Marie Nzié. "Une des meilleures voix du monde", souligne-t-elle. "Elle m’apprit à chanter tous les jours. Pas de personne à personne, mais en l’écoutant tout le temps. " Elle cite aussi Miriam Makeba, BB King Ella Fitzgerald ou encore Erykah Badu. Sans oublier les artistes africains : Ismaël Lo, Cesaria Evora, Richard Bona…
Quand l’aventure avec Korongo Jam s’est terminée, Kareyce se sentait "psychologiquement et moralement prête" pour concrétiser son projet personnel. Quitte à s’autoproduire. Son afro folk aux sonorités acoustiques, où la voix tient une grande place, a pris forme en studio, autour d’un concept que traduit le titre de son album Mulato, paru récemment au Cameroun. "Ça veut dire métisse", explique-t-elle. "Je suis une Bamileké mais je suis née chez les Béti et, à travers ce disque, j’avais envie de montrer la richesse de posséder ces deux cultures-là." Un appel au partage, à l’ouverture.
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