Par EDKING
10 décembre 2002
Le sel barrait l'entrée du sanctuaire. Longue traînée blanche sur la terre latéritique. Afin que nul n'ignore, le guide avait donné un avertissement à ceux qui s'apprêtaient à franchir l'entrée des grottes, sacrées : "soyez simples, ne manifestez aucune intention malveillante. Sinon vous n'en ressortirez pas". Puis chaque visiteur avait traversé la bande de sel pour se plonger dans les mystères de Fovu, ce champ de rochers que le moissonneur éternel avait planté au cœur de Baham, la capitale du département des Hauts Plateaux de l'Ouest.
A l'occasion de l'ouverture de la saison touristique, une agence de tourisme a, le 29 novembre 2000, organisé un pèlerinage sur le site sacré qui abrite les dieux baham, au quartier Fovu. La veille, le gardien des lieux avait montré sa réticence : d'abord parce que le guide n'était pas Baham. Ensuite, les dieux qui veillent sous ces pierres risquaient de s'irriter devant la présence d'étrangers non initiés. II a fallu l'accord de Sa Majesté POUOKAM TEGUIA Max II, Fô des Baham, pour que le pèlerinage ait lieu, après les cérémonies de purification matérialisées par le sillon de sel tracé à l'entrée du sanctuaire.
Première station : du haut d'un rocher pointant à 850 m d'altitude, les visiteurs ont pu contempler à perte de vue, une forêt de pierres géantes harmonieusement assemblées, d'environ 2 hectares. En contrebas, deux rochers forment une sorte de couloir par lequel les visiteurs pénètrent dans la chambre de sacrifices, où sont entreposés les calebasses d'huiles rouge, du riz, du sel, des noix de kola, des jujubes, des branches d'arbre dit de paix, mais aussi des coqs et des poules en liberté. C'est le lieu de purification, explique le guide. Ceux qui sont envoûtés viennent ici se faire soigner en souscrivant à des rites sacrificiels. Des maîtres de cérémonies officient souvent à la nuit tombée, pour la délivrance des malades. C'est aussi un lieu de jugement et de prise de grandes décisions concernant le village.
Sous un rocher coule un ruisseau. Une source thermale assez importante pour être exploitée a été découverte sur le site par des géographes. Mais les villageois ne sont pas prêts à laisser profaner leur sanctuaire qui, à une certaine époque, servait de refuge et de cachots pour les maquisards durant les années troubles d'avant et d'après l'indépendance. Déjà les Baham avaient bataillé ferme pour que les religieux, qui voulaient installer une mission dans l'antre de leurs dieux, aillent se faire voir ailleurs. Le clergé animiste avait même voulu laver cet affront par le sang, heureusement que les missionnaires catholiques avaient battu en retraite, en allant planter leur tente en amont de Fovu.
Sur le versant sud de Fovu, des arbres centenaires sont perchés aux flancs des rochers, où poussent des plantes médicinales. Un micro climat y règne en toute saison. Les herbes hautes sont parcourues par des frissons provoqués par un vent doux qui souffle et emplit les poumons des visiteurs. Sur les hauteurs du Fovu qui signifie "Les dieux sous les pierres" en langue locale, une plaine propice au pique-nique s'étale à perte de vue et invite à la contemplation.
A la fin de la visite, les touristes d'un jour sont encore subjugués par la beauté éternelle des lieux. Baham possède avec Fovu, une richesse touristique inestimable que les contingences culturelles gardent sous le boisseau. Il en est de même de plusieurs sites à travers la province. La carte touristique de l'Ouest fait en effet ressortir des circuits de montagnes, des circuits climatiques, des circuits botaniques, cols, falaises, et lacs, les sultanat et chefferies.
Lors de la cérémonie marquant l'ouverture de la saison touristique, un appel a été lancé aux opérateurs économiques afin qu'ils s'investissent dans le développement touristique de la région.
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